Nous n'en avons jamais fini : toujours un peu plus, nous nous transformons et révélons l'être que nous sommes. La mue imaginale désigne la mue de la chrysalide en papillon. On utilise aussi le terme “émergence”.
C'est un temps long, puissant, douloureux, où l'être est vulnérable et concentré sur lui-même.
Il ne s'agit pas d'un phénomène de croissance : un petit être devenant un modèle plus grand du précédent, mais bel et bien d'une métamorphose complète, le passage d'un être à un autre, demandant un changement de forme radical.
Différentes périodes de la vie nous confrontent à cela : développement intra-utérin, adolescence, ménopause ; par ailleurs, certaines personnes vivent ce phénomène plus fréquemment que d'autres. Elles changent de peau, de forme, j'ai même envie d'ajouter, d'état intérieur.
Une telle transformation ne touche pas qu'un domaine de la vie : l'être entier est concerné et tout bouge alors. La vie personnelle comme professionnelle, les relations, les habitudes, les envies et les élans de vie.
Au début d'une nouvelle transformation, tâtonnements, inconforts, sentiment d'étrangeté. Que suis-je en train de devenir ? Je n'en ai pas la moindre idée. Mais ce mouvement qui agit de l'intérieur, corps et âme, m'emmène, bien au-delà de toute volonté consciente. Le corps se décompose pour se recomposer. Sa forme devient floue, mouvante, elle échappe, elle fuit. Par moments, surgit la perception fugace de ce qui sera mais aussitôt la forme à venir s'évanouit.
Il en va de même de la part intérieure qui abandonne des pans entiers de ce qui était pour s'emparer de zones d'ombre, de ressources nouvelles, de possibles inattendus. Avec fièvre parfois, tantôt avec crainte, tantôt avec impatience, elle se tend vers son essentiel.
Ce que j'aimais me rebute, les idées et les fulgurances se multiplient, les moments de force et de fatigue se succèdent à une vitesse accrue.
J'apprends à laisser derrière moi la forme des temps d'avant, à en faire le deuil, à laisser affleurer la joie et la curiosité au sujet de la suite.
J'accueille avec bonheur les partages sur ces temps si singuliers et je contemple avec admiration la métamorphose se faire chez l'autre. Quelle chance que d'approcher encore un peu plus de ce Soi qui toujours nous tient à distance et se laisse enfin caresser !
Crédit photo. Suzanne D. Williams
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