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Photo du rédacteurMyriam Bendhif-Syllas

Garde foi en toi !



Je reviens d'une rencontre avec plusieurs classes de collégiens : j'ai été invitée à parler de mes livres pour la jeunesse et de mon travail d'écrivain - le mot autrice a été une découverte pour tous les groupes !

J'ai eu grand plaisir à retrouver des adolescent.e.s, d'autant plus avec un autre statut : celui de la visiteuse, celle qui apporte quelque chose d'extérieur à l'institution. J'ai retrouvé la lassitude, la fatigue, la méfiance pourtant mếlée de curiosité dans de nombreux regards. Pour d'autres les yeux pétillants, les questions prêtes, le dialogue pouvait commencer, jusqu'à ce que pour l'ensemble des jeunes, ce moment devienne attractif et non seulement temps imposé, une énième fois.


Chaque groupe m'a emmenée à sa guise et dirigée vers des sujets bien spécifiques : méthodes et conditions de la création, rémunération et droits, motivation... mais aussi des questions qui finalement renvoyaient à leur propre situation. Là, un espoir, un frémissement particulier, une tension que j'avais souvent perçue durant mes années d'enseignement, et lors des rencontres avec des artistes que j'avais pu vivre moi aussi.


Ces instants là sont très forts et très émouvants : là, en quelques minutes, quelque chose de précieux et d'important passe. Selon moi, l'enjeu de ces différentes interrogations est le même, bien qu'il soit amené par des axes en apparence éloignés. Il est ici question de croire en soi. Je choisis à dessein de parler de foi ici, et non de confiance. Car à cette étape du parcours de vie, comment croire en soi ? Qui suis-je pour espérer voir mes rêves se réaliser ? Car peut-être n'ai-je pas tout ce qu'il faut pour y arriver ? Suis-je à la hauteur des exigences de l'école, de ma famille ?

Sur la normalité et la neurodiversité, je renvoie à l'excellent ouvrage de Juliette Speranza qui invite à enfin faire de la diversité humaine notre chance et non la cause d'un prétendu échec collectif ; comme aux ouvrages et vidéos d'Idriss Aberkane.

Dans le système scolaire et sociétal actuel, croire en soi est un acte de foi incroyable.


Nous avons parlé d'envie par rapport aux questions "Quand avez-vous commencé à écrire des histoires ?", "Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire des histoires ?". Enfant cela allait de soi. Ado, plus du tout. Adulte, il était question de faire, et de faire des choses d'adultes jusqu'à ce que cela ne soit plus possible de faire ainsi et qu'il fut possible d'envisager d'être peu à peu, d'être peu à peu un plus qui je suis au plus profond de moi. Comment passer un tel message ? Je n'ai pas eu le temps de cogiter.

Je leur ai demandé s'ils.elles avaient des envies... Même la timidité avec laquelle certain.e.s ont osé répondre m'a frappée : l'un ose rêver au foot pro, un autre à travailler dans le jeu vidéo, une autre encore à publier son propre roman... Et puis les envies non exprimées, juste impossibles à restreindre qui affleurent dans un regard triste ou qui se détourne.

Je suis partie de mon envie d'écrire : "Alors, je suis sur mon canapé, j'ai envie d'écrire un roman, il se passe quoi maintenant que j'ai reconnu mon envie ?" Les idées ont fusé, des actions concrètes ont été proposées, de la plus infime à la plus audacieuse ; d'une action à l'autre, l'envie est devenue réalité. Je ne peux pas vivre ce que je désire sans passer à l'action. Adulte, je suis seule responsable de cela. Ado, pas encore et c'est tout à fait normal. Mais c'est peut-être encore plus dur. Et depuis l'enfance, les jugements tombent, et l'être se restreint, doute de lui-même, désapprend l'amour de lui-même.

Je ne prétends pas que toutes les envies se réaliseront. Je n'ai pas réalisé tout ce dont je rêve, et peut-être ce ne sera jamais le cas. Mais l'important est de tendre vers et pour certaines d'entre elles, de ne pas lâcher.


Un petit jeune homme est venu me demander si c'était dur de faire une thèse. Il veut devenir médecin ou peut-être psychologue. Il a 12 ans. Une pertinence dans ses questions, une profondeur qui je le sais, ne vient que d'une souffrance déjà importante. Chacun ses stratégies. L'un sera l'idiot du coin, l'autre la star rebelle, un autre encore l'enfant calme et intelligent. Ce gamin m'a signalé entre autre que les astres devaient être importants pour moi : Lune et Soleil. J'ai souri.

Sa voisine deux rangs plus bas, a décrypté les symboles de ma "Course à la lune", m'a demandé si la jeune fille était la vieille femme du début, dans l'idée d'un recommencement ou de mondes parallèles, s'il s'agissait bien d'un phénix dans une illustration d'un livre à paraître... Nous n'avions qu'une heure, j'aurais vraiment voulu écouter les autres analyses de cette critique littéraire en herbe, et celles de ses camarades.

Leur dire encore et encore de garder foi en eux.elles. L'image d'une flamme de bougie m'est venue : oui cette foi est fragile, il faut veiller sur elle comme sur un joyau précieux. Adultes, nous sommes responsables d'une grande partie de la veille, l'ado ou l'enfant a sa part qui dépend intimement de la première. Et comment résistera la flamme face au coup de vent des mots qui blessent en plein cœur ? A la répétition de la définition : "tu es... ci ou ça"... Et comment l'adulte pourrait-il soutenir, croire lui aussi en cet être en émergence, alors qu'il ne croit pas réellement en lui-même, qu'il ne sait pas qu'il ne s'aime qu'en surface ? Vaste sujet et objet de ma pratique, de mes réflexions, de mon cheminement.


Ce fut une tornade de partages, d'émotions, d'idées ; et j'adore vivre cela, en particulier, avec des êtres humains de cet âge là. Je les remercie de tout cœur ainsi que les adultes qui ont organisé ces rencontres. Merci également pour les recommandations mangas, les dessins, les cadeaux nombreux de vos mots, de vos sourires, de vos merci.

De mon mieux, j'espère avoir fait passer de l'amour, de la fierté d'être soi, de croire en soi. Moi, j'ai foi en eux.elles. J'ai foi en la conscience qui met en vie, la seule et véritable magie et qui est en chacun.e d'entre nous.


Myriam Bendhif-Syllas, le 18 juin 2022


Références

Juliette Speranza, L'échec scolaire n'existe pas!, Albin Michel, 2020.

Idirss Aberkane, Libérez votre cerveau, Pocket, 2018.


Crédit photo wallpapers.

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