5 saisons, 2 personnages, une déambulation dans la nature.
Les illustrations prennent toute leur place dans ce grand format, 80 pages, c’est atypique, c’est rare, c’est précieux ; et ce pour mon plus grand bonheur. Chacune d’entre elle est un tableau où je plonge et me laisse entraîner à rêver. Bon nombre d’entre elles raconte une histoire, une scène, non évoquées dans le dialogue : cela ouvre encore plus le champ et renforce cette impression de profondeur, voire d’histoires enchâssées. Un voyage qui en contient bien d’autres, à l’image de la vie, une et pourtant plurielle.
Des saynètes pleines d’humour qui laisse l’imagination compléter elle-même les éléments manquants, comme la page où le bambou s’enflamme suite à un éternuement imprévu !
Les traits d’encre de Chine, les variations subtiles de l’aquarelle amènent une discrète mais efficace exploration des codes de la calligraphie, des dégradés de noir et blanc, chaque touche de couleur surprenant le regard sans pour autant me sortir de l’impression de douceur et de calme qui baigne tout l’ouvrage.
Le contraste entre les deux amis est saisissant : le dragon brindille, plus phasme que flamboyant dragon chinois – l’image du grand-père –, corps fait de traits noirs hachés d’où émergent les yeux ; le panda tout en rondeur, pattes enrobantes et silhouette rassurante. Un petit et un grand. Un sage et un disciple. Un parent et son enfant. Deux amis. Autant de lectures possibles. Mais surtout deux êtres qui apprennent l’un de l’autre, se soutiennent, s’aiment.
Chaque échange mériterait d’être cité, laissé en suspens, infusant dans l’esprit comme la feuille de thé dans les tasses de notre duo. Je pense au haïku, aux passages de Proust que je lis, relis régulièrement en laissant chaque mot se déployer tout en dégustant l’ensemble. Un assemblage qui vaut tout autant par chaque détail que par sa composition singulière et harmonieuse. Ici, la saveur vient tout particulièrement du dialogue, bref, concentré, allant à l’essence même de ces si incroyables idées que sont être, vivre, faire communauté, aimer, s’aimer. Grand Panda et Petit Dragon nous donnent la preuve que ces mots n’ont pas à rester de simples concepts, d’inatteignables étoiles générant notre malheur quotidien. Bien contraire ils démontrent que ces mots prennent corps dans leur vie, acte après acte, dans la matérialité et la réalité la plus proche de soi.
Chaque page offre une porte d’entrée vers la pleine conscience, qu’elle soit liée ou pas à un courant de pensée, à une croyance spirituelle ; cela appartient à chacun.e. Car, comme tout grand livre, son caractère universel lui permet de toucher chaque personne là où elle peut être touchée. On songe au Petit Prince...
J’aimerais que ce livre dure pour toujours… mais me dirait Grand Panda, il n’existe que ce moment où je lis et où je contemple l’image. Alors je souris et je savoure ce moment. Un autre jour, un autre moment, je pourrai rouvrir l'ouvrage et me replonger dedans.
Car il est évident que ce n’est pas un album que l’on oublie dans un coin, une fois parcouru, mais bel et bien un livre que l’on garde précieusement auprès de soi, pour soi et que l’on aura plaisir à faire découvrir à d’autres, proches, ami.e.s, petit.e.s ou grand.e.s. Sans aucune limite d’âge.
James Norbury, Grand Panda et Petit Dragon, traduit de l’anglais par Anne-Laure Estèves, Le Lotus et le petit éléphant, Hachette, 2022.
Comentarios