top of page

Son esprit savait...




Évoquer la maladie lorsqu'elle surgit, c'est une gageure. Il faut du temps pour que le mental se calme et que l'esprit redevienne clair. Je l'abordai en tant que personne qui accompagne et depuis un mois et demi, comme mère. Nous avons découvert que le kid est atteint de diabète de type 1 et nous avons plongé dans un autre monde, d'autres préoccupations, dans un univers parallèle au notre mais dans lequel nous n'avions pas nos marques. Pendant bien trois semaines, je vis dans ces deux mondes à la fois : l'ancien et l'actuel qui se superposent, qui s'entretissent, se confondent.


J'ai traversé des tempêtes émotionnelles que j'aurais eu bien du mal à envisager sans la pratique de la pleine conscience et l'accueil de ce qui est, sans le soutien de la meute et des proches. Malgré cela, le choc a été frontal, rude et profond. Sans compter qu'il faut être affûté, comprendre tous les concepts qu'on vous présente, les enjeux, les gestes, les réflexes, bientôt les reproduire, les pratiquer à son tour. Répondre présente malgré la fatigue qui s'accumule, la peur, la colère et l'incompréhension.


La vie dans l’hôpital à la fois cocon et repoussoir, espace qui sauve et espace qui étouffe. Quel soulagement que de pouvoir rentrer un soir et respirer à l'air libre avant de prendre la prochaine garde ! Quelle joie que de voir les enfants jouer entre eux, dans les couloirs, mode espion et blagues aux infirmières ; la vie pour eux étant une évidence, malades ou pas !


Et puis ces pensées qui reviennent : une maladie qui ne guérit pas, qui se gère, le pourquoi, le c'est pas juste, pourquoi si jeune. Ici pas de coupable, pas de prévention possible quand la maladie se déclenche, c'est fulgurant et sans retour possible.


Je réalise que le présent devient réel. Car le temps est découpé en tranches beaucoup plus nettes : tests de glycémie qui se suivent, repas à préparer et à compter, injections, temps de travail plus concentré où il faut être plus efficace. Ce temps présent est là, même après le retour, après le fondu enchaîné des deux mondes. Le temps présent est bien là. Je le vis pour de bon. Et avec lui deviennent possibles la joie dans la gravité, la légèreté dans la douleur, l'acceptation que tout passe, se transforme, que rien ne peut être retenu, que chaque instant est à vivre et à savourer. Je ne l'avais pas vécu avec cette intensité et cette constance.


Aujourd'hui, nous avons modifié notre quotidien. Nous cherchons le kid à l'école à midi, à 16h. Nous réalisons les soins. Nous assumons le rôle de parent d'une façon différente encore. Pour l'instant, il a besoin de nous pour prendre soin de lui. Plus tard, il sera capable de prendre soin de lui-même.


L'autre jour, il a dit que quelqu'un était au courant de sa maladie. Comme personne ne savait de qui il s'agissait, il a fini par dire : "mon esprit savait". Et oui, sûrement, son âme-conscience savait. Mais elle n'avait pas à annoncer les choses qui devaient se dérouler de la façon nécessaire. Là encore, une autre occasion de comprendre que l'on ne peut pas se mettre à la place de l'autre, prendre sa douleur, souffrir pour lui. On ne peut qu'être à ses côtés et lui permettre de se reposer sur soi, parfois. Je ne me pose que peu de questions sur tout cela, je vis, au jour le jour, je remercie chaque jour d'être là ensemble et de vivre.


En tant que parent d'un enfant atteint d'une maladie chronique, je ne souhaite répondre à aucune question d'inconnus qui du fait de la maladie se sentent autorisés à entrer dans l'intimité de l'autre, je ne souhaite pas non plus me sentir soulagée que mon enfant n'ait pas eu une pathologie "pire" que celle-ci et je n'estime pas avoir à me réjouir de celle qu'il a parce qu'elle est "gérable". Cela démontre une ignorance de ce qu'une telle maladie implique, surtout pour un enfant, encore bien jeune. J'accueille en revanche avec gratitude les personnes qui ne disent rien mais accueillent, posent une main sur mon épaule, sourient et nous parlent de la vie.

Parce que c'est bien la vie qui est là, en jeu, bien plus claire dans sa fragilité, puisqu'à tout moment elle peut basculer, en l'espace de quelques heures. Et c'est la vie qui prend une forme particulière, mais la vie pleine et entière si on veut bien lui donner cette place-là.


Crédit image. Wix illustration.

Comments


bottom of page